Article écrit par Pierre-Xavier Chomiac de Sas et Constance Mazard
Revue Lamy Droit de l’Immatériel (RLDI), avril 2016, n° 125
Youtuber, Streamers et influenceurs : l’encadrement des publicités en ligne
Youtube représente aujourd’hui trois millions de visites par jour, plus d’un milliard d’utilisateurs et le troisième site le plus utilisé au monde après Google et Facebook.
Les différentes formes de publicité en ligne notamment sur les sites hébergeurs de vidéos soulèvent de nombreuses et nouvelles problématiques juridiques concernant les influenceurs, streamers et YouTubers. Leur résolution passera non seulement par une réglementation précisée mais aussi et surtout par l’association des différents acteurs d’internet, professionnels et internautes afin de réguler par la voie contractuelle et par les usages le nouveau cadre d’internet.
La publicité en ligne, a fortiori sur YouTube, TikTok, Twitch et autres plateformes, s’est progressivement adaptée, passant d’une publicité autour de la vidéo (bannière ou display) ou par référencement sur les moteurs de recherche via liens sponsorisés, à une publicité intégrée directement à la lecture de la vidéo avant, après ou sur la vidéo mème (pré-roll, post-roll, mid-roll). YouTube, comme support de programmes audiovisuels, a ainsi pu naturellement proposer des contenus publicitaires de plus en plus développés allant aujourd’hui jusqu’au native advertising – une publicité qui s’intègre de manière fluide et discrète dans le contenu consulté par l’internaute.
Les offres et services de promotion et publicité des influenceurs et streamers s’est progressivement développé et diversifié.
YouTuber, Streamer et influenceur: la monétisation de leurs contenus par la publicité
Il n’existe pas aujourd’hui de solutions juridiques certaines, les juridictions n’ayant pas encore pu se prononcer sur ces pratiques. Cette nouvelle forme ambigüe de publicité en ligne soulève de nouvelles problématiques juridiques notamment :
- La séparation entre Télévision et Internet. L’actuelle séparation de régimes juridiques fondée sur le support de publication et non sur le contenu semble atteindre ses limites face au glissement de l’audience d’un média vers le suivant. Le souci de protection du public a créé un encadrement très strict des contenus audiovisuels et de leur publication à la télévision.
Ce mème public, aujourd’hui sur YouTube et autres sites d’hébergements de contenus, devrait ètre éligible à une protection similaire.
Internet semble rejoindre aujourd’hui la qualification de média de masse : un moyen de communication proposant notamment des contenus audiovisuels visionnés par une large audience comptant plusieurs millions de personnes à travers le monde.
- La qualification adéquate des pratiques en ligne. L’introduction et la profusion ces dernières années de la publicité au sein d’Internet, le développement de pratiques commerciales et contractuelles pour pallier les manquements légaux, supposent une actualisation du régime juridique de la publicité en ligne.
Si de nombreuses vidéos apparaissent, sans aucun doute possible, comme des pratiques commerciales, d’autres formats peuvent se rapprocher de notions comme le parrainage, le mécénat, le simple placement de produit ou encore le billet sponsorisé, chacun bénéficiant de ses propres contraintes et ses avantages.
- La responsabilité de YouTube. Premier hébergeur de contenus audiovisuels, la société filiale du géant Google, refuse toute responsabilité quant aux contenus proposés sur son site internet, contestant une éventuelle politique éditoriale. Son choix politique et stratégique ne l’engage qu’aux diligences sur dénonciation de certains contenus. Le contrôle de YouTube sur les contenus, les moyens proposés aux internautes – un code couleur associé à des thèmes génériques (Langage, Nudité, Situations sexuelles, Violences et Consommation de drogues) peuvent inquiéter quant à l’efficacité de son dispositif.
Et les seules recommandations dans les conditions générales de suivre les règles applicables dans son pays de résidence ne sont pas particulièrement dissuasives.
- Et surtout le statut des YouTubers. Si leurs vidéos apparaissent similaires, les sociétés créées par des YouTubers et streamers ont des activités variées : producteurs de films et de programmes pour la télévision et autres activités récréatives et de loisirs ; partenaires de régie publicitaire de médias, activités des agences de publicité. Retrouvez nos formations sur les influenceurs et le marketing.
Cette diversité quant à la qualification de leur activité professionnelle influe nécessairement sur leurs obligations et responsabilités : règles propres à l’audiovisuel, régime juridique encadrant la publicité, droit de la presse, etc. Il apparait tout du moins critiquable que des contenus audiovisuels proches puissent s’affranchir de certaines règles en fonction de l’objet social de la société qui les produit.
Dans un souci de transparence, le législateur a imposé en 2011 aux laboratoires pharmaceutiques de déclarer l’intégralité des paiements, prestations ou tout intéressement au capital d’une entreprise à l’égard notamment des professionnels de santé. Un système similaire pourrait ètre envisagé afin de pousser les YouTubers à plus de transparence sur la réalité des contenus qu’ils publient.