Le détournement des fonctionnalités des jeux vidéo ont connu ces dernières années des formes variées, les développeurs ou utilisateurs faisant preuve d’une innovation et créativité hors normes : le jeu Fortnite s’est ainsi transformé en plateforme de concert de Travis Scott pendant le confinement, avec plusieurs nouveaux concert à venir pour la fin d’année, ou encore Reporter sans Frontière avec la création d’une bibliothèque de contenus censurés sur l’un des serveurs du jeu Minecraft.
En marge de l’utilisation classique du jeu vidéo, le succès d’Animal Crossing et sa communauté ont très vite encouragé l’émergence de comportements non anticipés au sein du jeu parfois surprenants : la création de cultes d’adoration de lampes ou encore des prisons pour personnages et/ou animaux. Relayés sur les réseaux sociaux, ces détournements ont connu des formes plus engagées politiquement. En France, des utilisations du jeu ont fait apparaitre des gilets jaunes au sein de l’ile fictive revendiquant leur message politique et contestations de la politique du président Emmanuel Macron. Mais c’est en Chine que les usages du jeu de l’éditeur Nintendo ont pris des proportions politiques sans précédent dans le contexte tendu entre le gouvernement chinois et l’ile de Hong Kong, aboutissant à l’interdiction du jeu sur l’ensemble du territoire.
Animal Crossing New Horizon : un succès planétaire pendant le confinement
Il s’appelle Tom Nook ou Tanukichi. Canin aux allures de raton laveur, ce promoteur immobilier est responsable de la vente à crédit de plus de 10 millions de maisons en 2020 au sein du jeu Animal Crossing New Horizon. La dernière licence de la franchise de l’éditeur japonais Nintendo a connu un succès considérable depuis son lancement le 20 mars dernier. Bénéficiant du confinement imposé dans un grand nombre de pats, le jeu a été vendu à plus de 13 millions d’exemplaires dont 50% de manière dématérialisée.
Le succès du jeu s’explique par plusieurs éléments notamment son gameplay unique, ne lui donnant à ce jour aucun concurrent ou d’équivalent direct. Fondé sur le seul remboursement d’un prèt immobilier concédée par M. Nook, le joueur explore cette simulation sociale, explorant le village, faisant connaissance avec d’autres habitants, proposant des prestations de chasse, pèche, aménagement, travaux dans le but ultime de récolter des « clochettes », la monnaie du jeu, pour payer son logement et sa décoration.
En synthèse, Animal Crossing est perçu comme « un univers enchanteur, un gameplay accessible et addictif, des personnages hauts en couleur, un village en constante évolution, un sentiment de liberté immense ». Des fonctionnalités innovantes se sont progressivement développées au fur et à mesure du succès de la licence à travers la possibilité d’inviter d’autres joueurs, la personnalisation de nombreux éléments, etc. permettant à la licence de rejoindre les jeux vidéo modernes qualifiables de véritables médias de diffusion de contenus.
Disposant de toutes les technologies participatives du web 3.0, de nombreux jeux vidéo intègrent aujourd’hui des forums et chats entre les joueurs, des moyens d’enregistrement, diffusion et rediffusion de contenus ou encore la possibilité d’intégrer des contenus personnels au sein du jeu, de les échanger voire les vendre.
Hong Kong : une exception économique et politique chinoise
Rappel historique oblige, Hong Kong a longtemps fait l’objet d’une guerre de contrôle entre la Chine et l’Empire britannique. Suite à la guerre sino-japonaise et la défaite de l’Empire Qing, les britanniques ont obtenu un bail de 99 relatifs aux « nouveaux territoires » au premier rang desquels se trouve l’île de Hong-Kong.
Depuis sa rétrocession en 1997, l’ancienne colonie britannique a pu continuer de jouir de prérogatives et droits privilégiés face au reste de la Chine. Les Etats-Unis avaient ainsi développé des traitements économiques spéciaux, l’exportation des technologies sensibles, remis en cause fin juillet 2020.
Ces dernières années ont été marqué par une progressive prise de contrôle par la Chine continentale marqué par des manifestations très forte notamment depuis 2019 par la population hong-kongaise. Est en cause principalement l’annulation d’un amendement introduit en février 2019 à la loi d’extradition permettant à Pékin d’intervenir dans le système juridique indépendant de Hong Kong menaçant les insulaires et tout visiteur de l’île.
Dernier signe de la prise de contrôle de la Chine, la récente loi sur la sécurité nationale entrée en vigueur le 30 juin 2020 à Hong Kong dévoile 66 articles consacrés à prévenir et sanctionner les comportements sécessifs, subversifs, les actes de terrorisme et la collusion avec des forces étrangères.
Similaire à des dispositifs législatifs présents dans d’autres pays notamment les Etats-Unis et son Patriot Act, l’Australie, Singapour ou encore Taiwan, c’est par les moyens confiés à sa mise en place que cette législation se démarque.
Elle permet le déploiement de plusieurs milliers de policiers, arrestations en masse de militants prodémocratie, pouvoirs au nouveau Bureau de sécurité nationale, notamment de diligenter toute enquète, perquisitions sans mandat sur la simple présomption d’un péril imminent contre la sécurité nationale, nommer des juges et transmettre certaines affaires aux tribunaux du continent, exploitation massive de toute données personnelles récupérées et collectées par des organisations internationales.
Des mesures ont enfin été lancé afin d’examiner l’ensemble des livres d’écoles afin de retirer les contenus « périmés » ou plus simplement critiques envers Pékin.
Corollaire de ce dispositif, des atteintes graves aux libertés civiles visant principalement les 7,5 millions d’habitants hong-kongais, susceptibles d’ètre emprisonnés en Chine continentale, détenus au secret, sans accès à un avocat et jugé dans des procédures expresses, dont les taux de condamnation sont évalués par certains à plus de 99% des cas.
« Des milliers d’internautes ont effacé messages et conversations sur les réseaux sociaux ou supprimé leurs comptes ».
Animal Crossing & Hongkong : des détournements de jeu vidéo
À Hong Kong, les jeunes habitants de l’ancienne colonie britannique ont détourné la dernière version du jeu Nintendo « Animal Crossing : New Horizons », pour protester contre le régime et contre la Chine.
Faisant preuve d’une certaine créativité et profitant des options de personnalisation offert par le jeu, les avatars des joueurs hong-kongais ont très vite altéré la pratique du jeu pour s’habiller en noir avec des tee shirts, les masques à gaz et casques de chantier portés au cours des manifestations et des panneaux d’affichages avec des slogans indépendantistes. D’autres comportements ont été constatés tels les filets à papillons ou les haches utilisé pour taper sur les portraits de dirigeants chinois tel Xi Jinping ou Carrie Lam.
Pays particulièrement attentif à son image et l’information accessible à sa population, le gouvernement chinois contrôle et approuve directement l’ensemble des jeux vidéo distribués sur son territoire. Limitation des microtransactions, couvre-feu de joueurs, blocage des réseaux entre joueurs occidentaux et chinois sont autant de moyens utilisés par la Chine pour lutter contre les « menaces pour l’unité nationale ».
C’est ainsi que la Chine a interdit en avril dernier Animal Crossing New Horizons sur tout son territoire, tandis que le gouvernement encourage à bannir la Switch des plateformes d’achat. Le jeu n’étant pas encore distribué officiellement en Chine, cette interdiction touche les versions cartouches importées.
Cette méfiance à l’égard des moyens de communications notamment via les jeux vidéo a connu plusieurs antécédents notamment en octobre 2019 lorsqu’un joueur hongkongais avait à l’occasion d’une compétition de jeu vidéo sur le jeu HearthStone, soutenu Hong Kong face au régime chinois suscitant de sanctions de l’éditeur Blizzard et une protestation virulente de la communauté des joueurs attachés à la liberté d’expression.