Importante évolution en matière de propriété intellectuelle, le tribunal chinois de Hangzhou a admis cet été un dépôt blockchain à titre de preuve dans le cadre d’un contentieux judiciaire. La juridiction a fondé sa décision notamment sur la crédibilité des moyens techniques d’obtention des preuves, et sur l’intégrité de la preuve blockchain. Dans une annonce officielle publiée le 7 septembre dernier, la Cour Suprème chinoise a confirmé la recevabilité des preuves authentifiées par la technologie blockchain.
Développée au début des années 1990, la technologie Blockchain associe deux systèmes d’informations : celui de la compilation de données reliées en chaines et celle du partage de fichiers par un système de peer-to-peer. Cumulés, la blockchain permet dès lors de garantir la sécurité des transactions et des informations transmises. L’une de ses plus grandes forces réside dans sa capacité à mèler sécurité et décentralisation. Encouragées par les institutions européennes, de nombreuses sociétés, notamment les banques, investissent aujourd’hui dans des startups développant des applications blockchain dans leur secteur d’activité.
Mis à jour. La Chine a cependant récemment remis en cause ses développements dans les technologies blockchain spécialement les cryptomonnaies. Entretenant depuis plusieurs années des relations ambigues avec les cryptomonnaies, le vice-gouverneur de la Banque centrale du pays les a présenté comme des investissements alternatifs potentiellement majeurs. S’il propose de mettre en oeuvre des politiques pertinentes pour accompagner leur essor, les stablecoins eux bénéficieront d’un régime spécial plus strict. L’objectif principal étant de valoriser le yuan numérique à venir comme outil privilégié de paiement.
Blockchain : l’approche prudente de la France en matière de preuve
En France, la technologie blockchain bénéficie d’une définition légale depuis l’ordonnance du 26 avril 2016 et d’autorisations spécifiques d’utilisation dans certains secteur – parts de fonds, titres de créance négociables, titres financiers non cotés. La Blockchain y est désignée sous la forme de dispositif d’enregistrement électronique partagé (DEEP)
En effet, l’article L.223-12 du Code monétaire et financier dispose désormais « l’émission et la cession de minibons peuvent également ètre inscrites dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant l’authentification de ces opérations, dans des conditions, notamment de sécurité, définies par décret en Conseil d’Etat ».
La jurisprudence n’avait cependant pas attendu un quelconque socle textuel pour se prononcer sur le bitcoin en tant que monnaie, puisqu’il a été jugé qu’il était nécessaire de posséder un agrément de l’Autorité de contrôle prudentiel pour effectuer des transactions en bitcoins pour le compte de tiers.
La Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) a d’ailleurs confirmé que l’échange de devises traditionnelles contre des cryptomonnaies (et inversement) pour le compte de tiers constituait bien une prestation de service au sens de la directive 2006/112 CE du 28 novembre 2006.
Puis la loi Sapin II n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a autorisé le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des dispositions pour encadrer la représentation et la transmission de titres financiers au moyen d’une Blockchain.
Tandis que certains continuent d’envisager les différentes applications possibles de la blockchain – smart contracts, assurances, propriété intellectuelle – des interrogations se précisent quant à sa force probatoire. Fondée sur des technologies identiques à celles de la signature électronique, la question de son admissibilité en tant que preuve numérique constitue un enjeu majeur pour l’avenir de son exploitation.
Droit & Blockchain : les règles applicables du Code civil
L’article 1366 du Code civil a permis de consacrer l’écrit électronique comme moyen de preuve sous réserve de deux critères : un auteur dument identifié et une garantie de l’intégrité et conservation de l’écrit. Associée avec d’autres procédés techniques, la blockchain serait susceptible de répondre aux conditions de l’article 1367 du Code civil relatif à la signature électronique. Plusieurs auteurs ont pu voir dans un arrèt récent de la Cour de cassation portant sur la signature électronique une opportunité de reconnaitre à la blockchain la mème valeur probante (Cass civ, 06.04.16, n°15-10732).
Si son utilité a pu ètre reconnue en matière de registre de preuve d’antériorité de document, la blockchain ne permet cependant pas à ce jour de garantir le lien juridique entre l’identité du signataire et sa signature.