Affaire Doctipharma : un feuilleton judicaire
Le 31 mai 2016, le tribunal de commerce de Nanterre avait déclaré illicite l’activité du site Doctipharma en tant que solution technique pour les pharmaciens d’officine souhaitant exploiter un site de vente en ligne de médicaments sans ordonnance, qui avait fait l’objet d’un précédent article.
Le 12 décembre dernier, la Cour d’appel de Versailles a infirmé cette décision validant l’activité de Doctipharma. Conforme aux dispositions encadrant la vente en ligne de médicaments sans ordonnance, la possibilité de sous-traitant la vente de médicaments en ligne offre de nouvelles opportunités pour les professionnels de santé et les spécialistes de la digitalisation.
Mise à jour. Retrouvez l’ensemble de nos publications en lien avec cette affaire :
- Contestation par la Cour d’appel : l’autorisation de la vente en ligne par un intermédiaire ainsi que notre analyse juridique de la décision.
- Affaire Doctipharma : la limite de l’intermédiation pour la vente de médicaments
La vente en ligne de médicaments strictement encadré
Filiale de Doctissimo créée en 2013 – groupe Lagardère Active, le site Doctipharma vise à faciliter la digitalisation de l’activité de pharmaciens en leur proposant une mise à disposition d’une plateforme en ligne de vente de leurs produits – parapharmacie et médicaments sans ordonnance. Doctipharma complète son offre en assurant par ailleurs les prestations de livraison ou de la mise à disposition en magasin des produits commandés.
Autorisée depuis 2013, la commercialisation en ligne de médicaments sans ordonnance est limitée par le Code de la santé publique aux seuls pharmaciens inscrits à l’Ordre Nationale.
Le cadre législatif actuel a pu faire l’objet de critiques notamment de l’Autorité de la concurrence à l’égard de deux projets d’arrèts relatif à la vente en ligne de médicaments, critiquant le cadre particulièrement restrictif au développement de ce secteur, bridant toute initiative commerciale en termes de prix, de gammes de produits ou de services nouveaux.
Doctipharma : Un simple intermédiaire technique
Distinction juridique fondamentale dans le domaine des nouvelles technologies, la Cour d’appel a qualifié Doctipharma de simple intermédiaire technique et non pharmacien.
La Cour rappelle de fait les conditions générales de la plateforme explicitant la seule responsabilité du pharmacien de la commercialisation en ligne de ses produits. De mème, la plateforme n’effectue pas d’actions de marketing sur les médicaments et n’offre de promotion commerciale.
Ce rôle d’intermédiaire n’est pas davantage caractérisé par le système de paiement unique, simple prestation technique mise à disposition des pharmaciens.
Cette décision risque de modifier profondément l’avenir de la vente en ligne de médicaments, sous réserve de nouveaux développements judiciaires, marqué historiquement par plusieurs décisions en faveur des pharmaciens, notamment la condamnation par le Tribunal de grande instance de Paris en 2014 du site de la société Enova qui offrait des médicaments à la vente à distance.
Doctipharma : Avis de l’autorité de la concurrence
Retrouvez l’intégralité de l’avis rendue par l’autorité :
Le 21 novembre 2017, l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office pour avis dans les secteurs du médicament et de la biologie médicale.
Ces secteurs, dont l’encadrement repose sur l’objectif fondamental de préservation de la santé publique, revètent en effet une importance particulière dans l’économie française et sont confrontés à des besoins de modernisation, liés notamment au développement des nouvelles technologies (vente en ligne, télémédecine, nouveaux outils de diagnostic, etc.).
Les travaux engagés par l’Autorité de la concurrence se sont ainsi intéressés à l’adéquation, au regard de l’objectif de préservation de la santé publique, du modèle économique sur lequel reposent les activités de pharmacien d’officine, d’intermédiaires de la distribution du médicament en ville et de biologiste médical.
Concernant en particulier les pharmaciens d’officines et les biologistes médicaux, un des risques identifiés est que les acteurs installés en France souffrent d’un différentiel de compétitivité, dans un contexte européen où des opérateurs étrangers, mieux armés économiquement et, bénéficiant de réglementations plus souples, commencent à s’imposer sur le marché français ».
C’est pourquoi il doit ètre permis à l’officine française de procéder à la nécessaire modernisation de son activité. Celle-ci passera par une exploitation réelle des opportunités offertes par les nouvelles technologies et par un développement des nouveaux métiers de pharmacien d’officine, souhaité par les pouvoirs publics comme par la profession.
Une telle modernisation comprend notamment un développement effectif de l’activité de vente en ligne, ainsi que la poursuite du développement des nouvelles missions du pharmacien, telles que la vaccination ou la télémédecine.