Nouveau séminaire de cours dispensé au sein du Gaming Campus de Paris destiné à la promotion des futurs développeurs de jeux vidéo – Gtech – 3ème année. Derrière la dénomination fourre-tout de « droit du numérique », le séminaire s’est appliqué à présenter les différents aspects liés au secteur des médias numériques dont la responsabilité sur internet, la propriété intellectuelle, le droit des logiciels et plateformes d’accès aux consommateurs en ligne, etc.
L’accent a été mis sur le secteur du jeu vidéo et son pendant esportif permettant aux étudiants de choisir et travailler sur des sujets particulièrement intéressants : la stratégie marketing catastrophique du studio CD Project RED pour la sortie du jeu Cyberpunk, l’invasion des systèmes de gatcha dans les jeux vidéo, les clés du succès du titre « Valorant », le business model et risques dans le lancement d’un studio de jeu vidéo, l’utilisation d’assets dans le jeu vidéo, etc.
Retrouvez ci-dessous nos développements complémentaires soulevant les enjeux juridiques liés à ces sujets.
Plateformes intermédiaires d’accès aux jeu vidéo
L’accès en ligne des jeux vidéo est aujourd’hui encadré par le biais de plateformes intermédiaires notamment Epic Games ou Steam intégrant traditionnellement des frais de publication ainsi que des commissions sur les revenus générés.
L’intégration de ce type de plateformes suppose une procédure de conformité au Règlement des plateformes, des vérifications administration de l’identité du studio, le respect du jeu aux règles générales ainsi que les termes spécifiques envisageables selon le type de jeux, impliquant souvent un processus de soumission et de révision.
Les stores d’application en ligne proposent des modèles similaires avec dans certains cas des systèmes d’abonnements pour la publication et le maintien en ligne des applications.
Pratiquées par certaines plateformes, l’anti-steering est au cœur d’un enjeu juridique important marqué en 2024 par un contentieux initié par l’éditeur Epic Games contre l’AppleStore. Le 16 janvier 2024, la Cour sûpreme a mis fin à nue partie du contentieux imposant à Apple de mettre fin aux pratiques d’anti-steering, consistant à interdire aux développeurs d’application de rediriger leurs utilisateurs vers un site Internet pour réaliser un achat ou souscrire à un abonnement.
Cette décision fait écho à la sanction européenne d’Apple à une amende de 1,8 milliards d’euros pour abus de position dominante sur le marché du streaming musical, initié par Spotify. La Commission a considéré que les obligations imposées aux développeurs usant de l’Apple Store n’étaient ni nécessaires, ni proportionnées pour la protection des intérêts commerciaux d’Apple.
Retrouvez notre précédent dossier sur le sujet.
Le droit à l’image dans le jeu vidéo
L’industrie du jeu vidéo propose aujourd’hui des contenus aussi denses et développés que les productions audiovisuelles et cinématique. De plus en plus de jeux intègrent l’image de personnes physiques sous formes d’avatars numériques ou via des procédés tel le motion capture pour reproduire des mouvements humains de manière réaliste.
Ces technologies permettent de créer des personnages qui peuvent inclure des personnalités publiques telles que des acteurs, des politiques, des joueurs célèbres ou même des influenceurs.
Cela est particulièrement visible dans les jeux vidéo adaptés de grandes licences culturelles, comme Marvel, Batman, ou Harry Potter, où les créateurs peuvent avoir recours à des images de célébrités ou de personnages réels pour enrichir le contenu du jeu.
Lorsque des individus, qu’ils soient réels ou fictifs, sont représentés dans un jeu vidéo, plusieurs problématiques légales doivent être prises en compte, notamment le droit à l’image et le droit d’auteur :
- Le droit d’auteur protège les éléments créatifs d’un jeu vidéo tels que les personnages, les décors, les musiques et d’autres éléments artistiques. Les créateurs du jeu vidéo détiennent donc des droits exclusifs sur ces œuvres.
- Le droit moral permet aux créateurs de s’opposer à toute utilisation de leur œuvre qui pourrait nuire à leur réputation ou à l’intégrité de leur travail. Par exemple, un créateur pourrait refuser qu’un personnage qu’il a créé soit utilisé de manière dégradante ou détournée de son intention initiale.
Une problématique nouvelle, amplifiée par les avancées technologiques, concerne l’utilisation des outils d’intelligence artificielle (IA), comme les deepfakes, qui permettent de créer des images ou des vidéos très réalistes de personnes, souvent sans leur consentement. Ces outils rendent la manipulation des visages et des voix beaucoup plus facile, et soulèvent des questions éthiques et juridiques sur le droit à l’image et la protection de la vie privée.
L’utilisation d’images de personnalités publiques dans les jeux vidéo pourrait devenir problématique si elles sont manipulées sans leur autorisation, d’autant plus que l’IA permet de recréer des représentations de personnes de manière très réaliste et potentiellement abusive.
Modération des contenus en ligne par les éditeurs
Connexes au jeu vidéo lui-même, les éditeurs proposent désormais au sein de leurs titres de nombreux outils de communication entre joueurs in-game ou sur les plateformes d’échanges dont la modération constitue un nouvel enjeu pour assurer une expérience de jeu positive : contenus textuels et chats vocaux, modération des images et vidéos partagées via des captures d’écran ou créations personnalisées dans le jeu ou livestreams, messages et symboles interdits, violents ou pornographiques.
Transformés en hébergeurs de contenus et soumis aux obligations des dispositions de la LCEN, les plateformes de jeux vidéo doivent gérer une multitude de contenus textuels, visuels et vocaux, tout en veillant à créer un environnement sûr et respectueux.
Pour ce faire, les studios combinent une modération basée sur des outils automatisés notamment avec de l’IA, logiciels de surveillance et anti-cheats, modération humaine et co-régulation à travers des outils de signalements par la communauté.
Juridiquement, la modération des contenus souffre d’une grande diversité de normes légales internationales, communautaires, nationales à la fois légales et contractuelles, variant selon les pays.
Les éditeurs doivent en ce sens veiller à respecter notamment les dispositions spécifiques en matière de protection des données personnelles, de liberté d’expression et de protection des mineurs.
Les Assets dans les jeux vidéo
Intégrant les modèles 3D ou graphiques, shaders, scripts, contenus audio et autres, leur utilisation est juridiquement encadré sous trois grandes catégories de licences :
- propriété exclusive (création d’un asset personnel pour le commanditare) ;
- licence ouverte (via des systems de creative commons – open source);
- licences commerciales (assets achetés via des marketplaces) ;
Les abus quant aux utilisations non conformes de ces assets peut avoir des conséquences désastreuses pour l’exploitation du jeu vidéo à l’issue de son développement : poursuites pour contrefaçon, concurrence déloyale, violation de la vie privée pour des assets usant d’images ou de voix de personnes physiques, injonctions, etc.
En synthèse, il apparait que la préparation de la liste des licences et assets est essentiel pour le studio de jeu vidéo, permettant de conserver les preuves d’achats, contrôler et en document l’utilisation. La formation des équipes dans l’utilisation de tels contenus est également indispensable.
Twitch & la nudité
Réseau social marqué par des contenus audiovisuels diffusés en temps réel – live streaming – la plateforme Twitch, propriété du groupe Amazon a été rapidement confronté à la modération délicate de ses contenus. Plusieurs catégories – ASMR, dessin, piscines gonflables et autres ont rapidement fait apparaitre une nudité dont l’autorisation a fait l’objet d’un pouvoir discrétionnaire complexe par Twitch.
En décembre 2023, des streamers ont été confrontés à des actions de modération, notamment des interdictions temporaires (ban) ou des avertissements pour des comportements jugés comme allant à l’encontre des règles de la plateforme concernant la nudité et l’indécence.
Retrouvez notre précédente analyse du sujet
Valorant : le lancement à succès d’un FPS
Jeu vidéo de tir tactique en équipe développé par Riot Games et sorti en 2020, Valorent a connu un succès immédiat et considérable.
Son analyse plus approfondie révèle une pluralité d’éléments ayant ensemble justifié du succès légitime du titre :
- Une expertise massive du studio « Riot » dans les jeux multi-joueurs, fort d’une dizaine d’année d’experience notamment grâce au titre « League of Legends » ;
- La création d’un jeu aux contenus mixtes, évolutifs, intégrant les mécanismes et innovations de produits concurrents : Counter Strike, Call of Duty, OverWatch (2), etc. ;
- Une accessibilité du jeu à la fois à travers ses configurations minimales particulièrement clémente et son format Free-to-Play ;
- Une stratégie marketing « complexe » mettant en avant non seulement le gameplay, ses personnages, son lore/univers à travers une diversification massive de contenus dérivés : trailers en tout genre, goodies, playlist sur Spotify, et bien sûr des compétitions esportives.