Actualités

24.01.2025 – Colloque Panthéon Assas – Contrats de fourniture numérique

24.01.2025 Colloque Pantheon Assas Contrats de fourniture numerique

Me Pierre Xavier Chomiac a eu le plaisir d’intervenir à nouveau au sein de l’université Panthéon à travers un évènement professionnel dédié au secteur du numérique.

Le colloque annuel du Centre d’Études Juridiques et Économiques du Numérique (CEJEN), sous la direction des professeurs Jérôme PASSA et Jérôme HUET, ont consacré l’édition 2025 sur le thème des contrats numériques. Baptisé « Adapter l’entreprise à la nouvelle économie : les contrats de fourniture numérique », le colloque a eu lieu le 24 janvier 2025 au centre Panthéon. 

L’intervention de PCS Avocat s’est concentrée sur les enjeux juridiques liés à l’accès à internet et sa contractualisation à travers les contrats de fourniture d’accès à internet.

24.01.2025 Colloque Pantheon Assas Contrats de fourniture numerique2

Colloque Droit du numérique : Contrats de fourniture de moyens numériques

La matinée a été consacrée au thème des contrats de fourniture de moyens numériques.

Introduit par Stéphane Mouy, consultant senior EKYC et Data protection, la question de l’identification numérique du client a permis d’évoquer plusieurs problématiques juridiques, notamment en matière de protection des données personnelles (RGPD), de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), ainsi que de conformité aux différentes obligations réglementaires selon les types de services et produits concernés par les internautes. : traçabilité des professionnels, identification électronique et responsabilité des professionnels, etc.

Madame Anne-Danis Fatôme, Professeure à l’Université Paris Nanterre, s’est attaché à présenter le régime juridique du courrier électronique complexifié par la diversité de ses formes et utilisation par ses utilisateurs.

Maitre Caroline Laverdet, avocat et docteur en droit spécialisée en droit des metavers a proposé son expertise au regard des contrats de fourniture d’espace numérique en matière de metavers.

L’après-midi du colloque s’est focalisé aux contrats de fourniture de contenus numériques avec des interventions complémentaires sur les sujets suivants :

  • Réseau social et droit d’auteur par Charlotte Bruguière (Avocat au Barreau de Lyon)
  • Fourniture de bases de données par Cédric Manara (Head of Copyrights, Google)
  • Cession de ficher de personnes par Thibault Douville (Directeur Master droit du numérique, Caen)
  • Acquisition et traitements de données (Perrine Sterne, Legal counsel chez Pigment)
2025.01.24 CEJEN Colloque Les contrats de fourniture numerique

Accès au réseau internet : un droit quasi-fondamental

A l’heure où l’on consacre l’identité numérique, la pleine application des droits aussi bien en ligne qu’hors ligne, il apparait intéressant de s’attarder sur son prérequis : l’accès à l’Internet

Il importe sur ce point de rappeler une distinction importante entre les dimensions physiques et virtuelle d’internet :

  • La première visant les infrastructures dépendant d’un prolongement du droit international (télécommunication, droit la mer et câbles sous-marins, droit de l’espace pour les satellites, droit de l’environnement, etc.
  • La deuxième traite d’un droit d’un nouvel espace.

Conséquence de ce cadre juridique, un nombre très important d’entités publiques sont compétentes pour contrôler voire sanctionner les conditions d’accès au réseau Internet : Autorité de Régulation des Communications Électroniques, des Postes et de la Distribution de la Presse, Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, le Défenseur des droits, la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL), le Conseil d’état, l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT).

L’encadrement contractuel de l’accès à Internet

Les contrats de fourniture d’accès à Internet sont régis par des obligations spécifiques qui concernent tant les fournisseurs que les consommateurs.

En France, la régulation de ces contrats est assurée par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), qui impose aux fournisseurs des obligations de qualité et de continuité de service. Ces exigences garantissent que les consommateurs bénéficient d’une connexion stable et fiable, avec des critères techniques précis en matière de débit et de disponibilité.

Toutefois, en cas de panne ou d’interruption de service, la responsabilité du fournisseur peut être engagée. Ce dernier doit alors réparer le préjudice subi par le client, sauf si la défaillance est due à un cas de force majeure ou à une utilisation non conforme du service par le consommateur. De plus, dans les contrats de fourniture d’accès à Internet, la transparence des conditions générales de vente (CGV) est cruciale pour protéger les consommateurs.

En vertu des réglementations telles que le RGPD, les CGV doivent être rédigées de manière claire, indiquant précisément les conditions d’abonnement, de résiliation, ainsi que la gestion des données personnelles collectées.

L’accès à Internet, bien qu’essentiellement immatériel, n’est pas un simple bien matériel, mais un service continu de transmission de données. Ce service va au-delà du simple transfert de matériel ou de contenu et repose sur des engagements de performance à long terme. De fait, un contrat d’accès à Internet est souvent perçu comme un contrat de services de communications électroniques plutôt que de vente de biens. Cela signifie que les fournisseurs doivent assurer un service régulier, sans interruption, avec des niveaux de qualité définis contractuellement.

En plus de la simple connexion au réseau, les contrats peuvent inclure des prestations accessoires, telles que la location de matériel (modems, routeurs) ou la fourniture de contenus numériques comme des films ou de la musique. Ces prestations doivent être explicitement mentionnées et différenciées dans les CGV, afin d’éviter toute confusion. Les fournisseurs doivent s’assurer que ces éléments accessoires sont clairement distincts des engagements principaux liés à la prestation de service d’accès à Internet, tout en garantissant une transparence totale quant à leur gestion.

Les obligations des fournisseurs dans les contrats d’accès à Internet vont bien au-delà de la simple mise à disposition d’une connexion. Ils doivent garantir la qualité et la continuité du service, informer clairement les consommateurs sur les conditions d’abonnement et de résiliation, et veiller à la conformité avec les exigences réglementaires, en particulier en matière de protection des données personnelles.

2025.01.24 CEJEN Colloque Les contrats de fourniture numerique 2

Contrats d’accès à internet : Contrôle des juges sur les clauses abusives

La jurisprudence est fréquemment venu contrôler les clauses des contrats de fourniture d’accès internet déclarant abusives certaines d’entre elles :

Par une décision de la CUJE du 2 sept. 2021 (C‑34/20 – Telekom Deutschland, C‑5/20 – Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände et C‑854/19), ont été considérées illicites les pratiques commerciales fondées sur des tarifs nuls sont incompatibles

En matière de prescription la chambre civile de la Cour de cassation (Civ. 1re, 13 mars 2024, no22-12.345) a considéré que «  La prescription d’une action ne peut être réduite conventionnellement à moins d’un an à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (C. civ., art. 2254, al. 1er). La clause réduisant la prescription applicable en deçà de cette limite, en faveur du fournisseur, doit être réputée non écrite »

Régime de responsabilité de plein droit du fournisseur d’accès à un service de communications électroniques

Historiquement, la jurisprudence s’est fondé sur les dispositions de droit commun pour imposer l’obligation de résultat à la charge des fournisseurs d’accès.

Usant des art. 1147 et 1148 devenus 1231-1 et 1218 du Code civil, plusieurs décisions ont permis de rappeler cette obligation de résultat, souvent à travers la qualification d’abusive des clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité (Cass 1ère civ 8 nov 2007 ; Cass 1ère civ 19 nov 2009) suivant en ce sens des décisions de fond antérieurs (TGI Paris 5 avril 2005 ; CA Versailles 15 sept 2005 ; TI Cherbourg 12 juillet 2007).

Plus récemment à travers une décision du 13 mars 2024, un nouveau fondement à été appelé : l’article 15 de la LCEN visant les contrats conclus par voie électronique :

« Il résulte des articles 14, alinéas 1 et 2, et 15, I, de la loi no 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, qu’un fournisseur d’accès à un service de communications électroniques est responsable de plein droit à l’égard de son client de la bonne exécution des obligations résultant du contrat et qu’il ne peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité qu’en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit à son client, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure. Les dispositions prévues à l’article 15, I, précité, étant d’ordre public en ce qu’elles concernent les contrats conclus entre les fournisseurs d’accès à un service de communications électroniques et leurs clients, la liberté contractuelle ne permet pas d’y déroger (Civ. 1re, 13 mars 2024, no 22-12.345 »).

La Cour de cassation suit en ce sens la recommandation de la Commission des clauses abusives (BOCCRF 31 juillet 2007), la fourniture d’accès par le professionnel étant selon elle une activité dépourvue de tout aléa et soumise à une obligation de résultat.

24.01.2025 Colloque Pantheon Assas Contrats de fourniture numerique3

Article 15 LCEN : Obligation de résultat et ordre public

Pour rappel, la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans l’économie numérique (ci-après la « LCEN ») transpose la Directive 2000/31 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information.

Cette loi a, essentiellement, pour objectif de renforcer la confiance des consommateurs, afin d’intensifier les échanges commerciaux électroniques, qui ont vocation, à moyen terme, à remplacer tout autre procédé de vente à distance.

Son article 15, adoptée le 21 juin 2004, introduit un régime de responsabilité de plein droit pour les professionnels exerçant une activité de commerce électronique.

Ce dernier est donc soumis à une obligation de résultat et sa responsabilité peut être engagée sans que le client ne soit tenu de prouver qu’il a commis une faute dans l’exécution des prestations. Par les arrêts commentés, la Cour de cassation juge, pour la première fois à notre connaissance, que ce texte est d’ordre public. Dès lors qu’une loi intéresse l’ordre public, il ne peut pas y être dérogé par des conventions particulières (C. civ. art. 6).

 Il prévoit sur ce point que :

« I. – Toute personne physique ou morale exerçant l’activité définie au premier alinéa de l’article 14 [personne qui propos ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou services] est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.

Toutefois, elle peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit à l’acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure ».

Critique doctrinale de l’application de l’article 15 de la LCEN : conformité de la transposition

L’article 15 de la LCEN semble conforme à la Directive 2000/31/CE, bien qu’il introduise des obligations supplémentaires pour les professionnels du commerce électronique notamment : 

En matière de responsabilité des prestataires, l’article 15 propose une responsabilité de plein droit pour les professionnels exerçant une activité de commerce électronique tandis que la directive limitait la responsabilité des hébergeurs et intermédiaires techniques.

Obligation de surveillance : à l’interdiction d’imposer une obligation générale de surveillance, la LCEN propose une responsabilité accrue pour les professionnels.

Motivées par le souhait de renforcer la confiance des consommateurs et assurer la bonne exécution du contrat, ces dispositions pourraient être perçues comme une surtransposition de la directive dépassant les exigences minimales fixées rendant les obligations de l’article 15 excessif ou inutilement restrictif.

La CJUE a confirmé dans plusieurs arrêts (Scarlet Extended, C-70/10, et SABAM, C-360/10) que les États peuvent imposer des obligations de surveillance spécifiques, à condition qu’elles respectent les principes de proportionnalité et n’entravent pas indûment les droits fondamentaux (liberté d’expression, protection des données personnelles).

Surtransposition de directives européennes : procédures et sanctions

La surtransposition peut constituer une difficulté si elle entrave de manière disproportionnée la libre circulation ou le marché intérieur (C-142/05, Mickelsson et Roos) ou si elle contredit l’objectif général d’harmonisation de la directive (Affaire « Vodafone » (C-58/08)). A ce jour toutefois, l’article 15 de la LCEN dans sa rédaction actuelle n’a pas été déclarée incompatible avec la directive.

Hypothétiquement, une juridiction nationale ou la CJUE pourrait annuler la mesure surtransposée ou en limiter l’application.

Pour rappel, les directives imposent aux États membres une obligation de mise en œuvre tout en leur laissant la liberté des moyens par lesquels ils s’y conforment. Les mesures adoptées sont communiquées à la Commission européenne.

En cas de défaut ou non-respect des ces formalités, l’article 258 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE ») établit la procédure d’infraction générale à l’encontre des États membres qui auraient manqué aux obligations qui leur incombent (mise en demeure, saisine de la CJUE voire sanctions financières Art. 260)

Écrit par :

Publié le : 24/01/2025
Mis à jour le : 31/01/2025

PX Chomiac de Sas