Très attendue, le décret d’application de la taxe sur les revenus publicitaires des sites mettant à disposition des vidéos en ligne, baptisée « Taxe YouTube », « Mesure Netflix » voire « Taxe Dailymotion » par les sceptiques, a été publié le 20 septembre dernier au journal officiel et sera mise en place à compter du 1er janvier 2018.
YouTube : Une régulation financière pour les plateformes de contenus audiovisuels
Issue de la loi de finances rectificatives pour 2016 et annoncée par l’actuelle Ministre de la culture et de la communication, Françoise Nyssen, la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels vise les sociétés assurant le stockage et permettant la mise à disposition, y compris à titre gratuit, de contenus audiovisuels destinés au public français : YouTube, Netflix, Amazon Vidéo, etc.
« entreprises de vente et location de vidéogrammes sous forme physique ou dématérialisée établies hors de France et les entreprises qui mettent à disposition du public en France des contenus audiovisuels à titre gratuit qu’elles soient établies en France ou hors de France ».
Décret n° 2017-1364 du 20 septembre 2017
Calculée sur le montant hors taxe des sommes versées par les annonceurs et les parrains aux redevables concernés ou aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage, la taxe comprend un abattement forfaitaire de 4 %, porté à 66 % pour les services donnant ou permettant l’accès à des contenus audiovisuels créés par des utilisateurs privés à des fins de partage et d’échanges au sein de communautés d’intérèt.
Par ailleurs, elle exclut de l’assiette les sommes versées pour la diffusion de publicités sur les services de télévision de rattrapage, concernés par une taxe autonome.
Au contraire, le taux de la taxe est alourdi de 2 à 10 % pour les recettes publicitaires ou de parrainage issues de la « la diffusion de contenus et oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles à caractère pornographique ou violent ».
Sont ici directement visés les diffuseurs Pornhub et YouPorn bénéficiant d’un trafic d’internautes particulièrement impressionnant : 91,980,225,000 de contenus audiovisuels consultés en 2016.
Taxe YouTube : des craintes légitimes quant à sa portée effective
Destiné aux éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande et plateformes communautaires assurant le stockage ou l’accès à des contenus audiovisuels comprenant également Dailymotion, iTunes, Twitch, etc., le décret exclut par opposition les services d’information dont les contenus audiovisuels sont considérés comme secondaires : presse, annonceurs de l’industrie cinématographique, etc.
De nombreux services en ligne tel Facebook, Twitter, ou Snapchat semblent ainsi a priori exclus du champ d’application tandis que leurs contenus audiovisuels représentent une part sans cesse croissante de leur activité et attractivité.
« Sont exonérés les services dont les contenus audiovisuels sont secondaires, les services dont l’objet principal est consacré à l’information, ainsi que les services dont l’objet principal est de fournir des informations relatives aux oeuvres cinématographiques et audiovisuelles et à leur diffusion auprès du public et d’en assurer la promotion, au moyen notamment d’extraits ou de bandes annonces.»
Article 1609 sexdecies B Code Général des Impots
De mème, présumés concerner aussi bien les services français ou établis à l’étranger, il apparait en pratique difficile de rechercher pour les éditeurs et plateformes étrangères les éléments financiers nécessaires – Â chiffres d’affaires imputables aux consommateurs français, pour la base du calcul de cette taxe.
Supposé générer 17 millions pour la taxe sur la vidéo/VoD et 2 millions pour la taxe YouTube, ces sommes sont destinées à contribuer au financement de la création en France les services audiovisuels payants ou vivant de la publicité.
L’utilisation des fonds affectés au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est cependant critiquée par certaines associations dénonçant l’absence d’aides du CNC aux créateurs de contenus audiovisuels exclusivement sur internet, par le CNC pour la diffusion de vidéos sur Internet.
A ces mesures s’ajouteront bientôt celles découlant de la directive européenne sur les services de média audiovisuels SMA, destinées à encadrer plus rigoureusement les plateformes de partage de vidéos notamment à travers leur mise en conformité avec la réglementation des pays dont le public est ciblé.