L’internet reste aujourd’hui aux yeux de tous un espace virtuel infini en construction perpétuelle, récemment étendu par les «Â cloud » et complexifié par les interactions des objets connectés et robots autonomes. Depuis plusieurs années, cependant, est apparue une séparation entre d’un côté l’internet connu, facilement accessible via les moteurs de recherches et relativement sécurisé, et de l’autre celui du Far West numérique sombre et inconnu : le «Â Deep Web » et le «Â Dark Web ».
Faisant références à des utilisations spécifiques de l’internet, ces termes anglophones ont fait l’objet d’une traduction officielle par la commission d’enrichissement de la langue française publiant le 26 septembre dernier un vocabulaire de l’informatique et de l’internet dans lesquels le «Â Deep Web » devient «Â la toile profonde » ou «Â l’abysse » tandis que le «Â Dark Web » devient «Â l’internet clandestin ».
Deep Web, Dark web et Darknet
La toile profonde, ou «Â Deep web », est décrite comme la «Â partie de la toile qui n’est pas accessible aux internautes au moyen des moteurs de recherche usuels » et il est précisé qu’elle comprend notamment le contenu de certaines bases de données ou de sites à accès restreint. La notion de «Â Deep Web » est sans doute plus large et précise. Il est fait, en réalité, référence à l’ensemble des pages internet non présentes sur les moteurs de recherche.
Sont concernés les sites Web traditionnels refusant de figurer sur les moteurs de recherche classiques, les serveurs privés de données n’ayant pas vocation à ètre accessibles au public ou encore les pages internets comportant des erreurs techniques rendant le référencement impossible par les robots d’indexation. Ainsi, seuls 3 à 10% des pages internets seraient indexées sur le web – appelé le «Â Clear Web » ou encore «Â Web surfacing » – tandis que le reste appartient au «Â Deep Web »Â : ressources gouvernementales, rapports et documents judiciaires, médicaux, scientifiques, académiques, données de comptes bancaires, espaces dédiés aux utilisateurs accessibles grâce à des identifiants personnels, etc.
Distinction à l’intérieur de la «Â toile profonde », l’internet clandestin ou «Â Dark Web » est quant à lui défini officiellement comme «Â l’ensemble de réseaux conçus pour assurer l’anonymat des utilisateurs par la mise en Å“uvre d’une architecture décentralisée ainsi que de logiciels et d’autorisations d’accès spécifiques ; par extension, l’ensemble des activités, souvent illicites, qui y sont pratiquées, qui utilisent essentiellement des réseaux privés virtuels ou pair à pair, ainsi que des méthodes de chiffrement et des processus de cooptation. Là encore, la notion de «Â Dark Web » concerne plus précisément les réseaux informatiques bâtis en parallèle de l’internet traditionnel et imposant des outils spécifiques pour s’y connecter.
«Â Tor », «Â Freenet » et «Â I2P » sont ainsi autant de logiciels spécialisés permettant l’accès à ces réseaux alternatifs, privilégiant les connexions indirectes et aléatoires, cryptées, et dont l’anonymat est protégé par la technique. La particularité du «Â Dark Web » réside notamment dans le fonctionnement de sa navigation : anonymisation des connexions, dissimulation de la localisation géographique des serveurs et l’utilisation d’une monnaie crypto-protégée.
Darknet : un espace numérique juridiquement encadré
L’utilisation du «Â Dark Web », facilité par l’ergonomie des moyens mis à la disposition du public néophytes, soulève la question des règles juridiques applicables à ce nouvel usage de l’internet. L’absence de barrière entre les internets visibles et cachés font du « Dark Web » une extension d’internet déjà consacré juridiquement qui impose cependant, de par ses caractéristiques propres, un encadrement sur mesure.
Après analyse, le « Dark Web » représente en réalité un outil de communication en ligne dont la démocratisation a impliqué une diversification de ses activités et utilisations, tantôt salutaires, tantôt criminelles, pour lequel un vaste régime juridique est déjà applicabl. Les spécificités des Deep et Dark Web ont encouragé la France à se doter d’une réglementation spécifique, tout en favorisant l’ensemble des moyens extra-légaux permettant d’encadrer cette partie sombre de l’interne.
Retrouvez l’ensemble de l’article dans la Revue Lamy Droit de l’Immatériel (RLDI), juin 2018, n° 149