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2025.04 – Interview Play Smart UFC Que Choisir vs Steam – Propriété du jeu vidéo

2025.04.28 – Interview Play Smart UFC Que Choisir vs Steam – Propriete du jeu video 1

Le 28 avril 2025, le cabinet PCS Avocat a été interviewé par Nicolas Jucha au sein de l’émission Play Smart pour évoquer l’épineuse question de la propriété des jeux vidéo notamment leur format dématérialisé.  

Invités aux côtés de Morgane Falaize (Présidente, cofondatrice, Women In Games France, Minuit Douze), Mickaël Dell’ova (fondateur, game designer, EthicAll Games), et Anne Dévouassoux (présidente, directrice opérationnelle, SNJV, Spiders/Nacon), Pierre Xavier Chomiac de Sas a présenté le contentieux historique opposant l’association UFC Que Choisir contre la plateforme de distribution de jeux vidéo « Steam ».

L’émission Playsmart a également pu présenter les thèmes liés à la place de la femme dans l’industrie française du jeu vidéo ainsi que le jeu vidéo comme outil au service de l’inclusion.

Retrouvez le lien vers l’intégralité de l’interview : https://www.bsmart.fr/video/28437-play-smart-01-mai-2025

2025.04.28 – Interview Play Smart UFC Que Choisir vs Steam – Propriete du jeu video 2

Play Smart / B Smart : un média en ligne consacré à l’industrie du jeu vidéo

Créée courant 2025, l’émission Playsmart, diffusée sur la chaîne B Smart et présentée par Nicolas Jucha, est dédiée à l’industrie du jeu vidéo.

A travers des formats de trente minutes, l’émission analyse les enjeux économiques, technologiques, sociaux et géopolitiques du secteur vidéoludique, faisant intervenir professionnels et experts du secteur pour décrypter l’actualité, les tendances du marché et les grandes problématiques qui traversent le monde du jeu vidéo, en France comme à l’international.

« Jouer c’est bien, jouer intelligemment, c’est mieux », slogan de l’émission, reflète la volonté d’apporter un éclairage approfondi et intelligent sur l’univers du gaming, dont les problématiques notamment juridiques se révèlent particulièrement intéressante.

UFC Que Choisir vs Steam : Épuisement des droits en matière de jeux vidéo

Contentieux débuté courant 2015, le tribunal judiciaire de Paris a donné dans un premier temps gain de cause à l’association UFC Que Choisir. La clause au sein des conditions générales de Steam interdisant la revente de comptes ou de jeux vidéo dématérialisées acquis sur la plateforme est considérée comme abusive et portant une atteinte disproportionnée aux intérêts des joueurs.

Par un arrêt très commenté du 21 octobre 2022, la Cour d’appel de Paris vient informer le jugement en première instance, considérant la clause en question comme valable. Le raisonnement porté par la Cour se fonde sur l’interprétation de directives européennes encadrant le droit d’auteur et les logiciels.

La Cour considère que la direction 2001/29 sur le droit d’auteur « commun » est applicable au contraire de la directive 2009/24/C spécifique aux logiciels. S’en déduit l’absence d’épuisement de droits pour les jeux vidéo dématérialisés. 

Autre élément d’importance dans cette décision, la cour d’appel rejette de transmettre une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union européenne sur l’interprétation de ces directives :  « L’article 4, paragraphe 2, de la directive 2009/24 et l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2001/29 doivent-ils être interprétés en ce sens que le droit de distribution de la copie numérique d’un jeu vidéo est épuisé lorsque l’acquéreur a réalisé cette copie, avec l’autorisation du titulaire du droit et moyennant une rémunération correspondant à la valeur économique de cette copie, en téléchargeant une copie du programme informatique permettant d’utiliser le jeu vidéo sur un support informatique au moyen d’Internet ? ».

RLDI - Jeux vidéo & biens virtuels - une lutte de propriété entre éditeurs et jeux vidéo

UFC Que Choisir vs Steam – Cassation : Le jeu vidéo soumis au droit des logiciels ?

L’affaire est finalement portée devant la Cour de cassation contestant le rejet de la transmission devant les instances européennes de cette question difficile. Selon l’association, le jeu vidéo relèverait de la directive sur le logiciel et non le droit d’auteur général. En effet, la distinction entre l’épuisement des droits des copies matérielles et immatérielles ne serait pas fondée pour le marché des copies de jeux vidéo où il n’existe pas de différences entre les copies sur support matériel ou dématérialisé. Dès lors la clause en question devrait être réputée non écrite.

« que le logiciel d’un jeu vidéo n’est pas accessoire et relève, par sa nature, de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009, et non pas de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 ;

qu’en outre, s’agissant du marché des copies de jeux vidéo, ou marché de l’occasion, il n’existe aucune différence selon que la copie est faite à partir d’un support matériel ou à partir d’internet ;

qu’en retenant le contraire, pour rejeter la demande de transmission de la question préjudicielle posée par l’UFC Que choisir, la cour d’appel a violé la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 et la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 ».

Par un arrêt de la première chambre civile du 23 octobre 2024, la Cour rejette le pourvoi et les prétentions de l’association.

Civ 1er , 23 octobre 2024 (23-13.738) : Le jeu vidéo, une œuvre complexe et non (plus) un simple logiciel

Sur l’épuisement des droits, la Cour fait une interprétation cumulée de l’article 4 de la directive 2001/29 sur le droit d’auteur et ses considérant 28 et 29, prévoyant que l’épuisement des droits ne s’applique pas aux services en ligne, le droit d’auteur incluant le droit exclusif de contrôler la distribution d’une œuvre incorporé à un bien matériel.  La Cour rappelle en ce sens les arrêts de la CJUE en la matière notamment des 22 janvier 2015, Art & Allposters International, C-419/13 ; 19 décembre 2019, Tom Kabinet, C-263/18 ; 3 juillet 2012, UsedSoft, C-128/11.

Elle rappelle que l’épuisement des droits des copies matérielles et immatérielles admise pour le logiciel n’est qu’une loi spéciale, inapplicable en l’espèce. En effet, le jeu vidéo ne peut être réduite à sa composante logicielle et est protégé en tant qu’œuvre entière par le droit d’auteur général (CJUE 23 janvier 2014, Nintendo, C-355/12).

À la différence d’un programme d’ordinateur destiné à être utilisé jusqu’à son obsolescence, le jeu vidéo se retrouve rapidement sur le marché une fois la partie terminée et peut, contrairement au logiciel, être encore utilisé par de nouveaux joueurs plusieurs années après sa création.

En l’absence de doute raisonnable quant à l’interprétation du droit de l’Union Européenne, il n’y a pas à saisir la CJUE d’une question préjudicielle.

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UFC Que Choisir. Recours en manquement et question préjudicielle

Cette solution ne satisfait pas l’association qui décide d’un nouveau chapitre judiciaire : un recours en manquement devant la Commission européenne contre la France concernant le contentieux Steam.

Ce recours vise à dénoncer le refus des juridictions françaises de transmettre à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) une question préjudicielle sur la possibilité de revendre des jeux vidéo dématérialisés acquis sur Steam, question qui, selon l’association, relève du droit européen et du principe de l’épuisement des droits

Derrière cette action, L’UFC-Que Choisir souhaite que l’Union européenne se prononce pour garantir une égalité de traitement entre les jeux physiques, dont la revente est autorisée, et les jeux dématérialisés, actuellement soumis à une interdiction de revente sur Steam.

Le recours en manquement est fondé sur l’article 258 du TFUE , la Commission décidant ou non in fine de former un recours en manquement devant la CJUE. Le recours en manquement n’est que déclaratoire et la CJUE ne peut pas annuler la décision de la Cour de cassation ; en cas d’analyse favorable par la Commission et la CJUE, la France sera tenue de prendre les mesures adéquates pour faire exécuter l’arrêt de la Cour sauf à encourir une sanction pécuniaire.  

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Jeux vidéo et monnaies virtuelles – d’autres pratiques commerciales potentiellement trompeuses

Le contentieux contre la plateforme Steam s’inscrit dans une lutte plus large portée par de nombreuses associations européennes de protection de consommateurs contre l’industrie du jeu vidéo et

Le 12 septembre 2024, le BEUC – Européen Consumeur Organisation –  et 22 de ses organisations membres issues de 17 pays ont déposé plainte auprès de la Commission européenne et du réseau des autorités de protection des consommateurs (CPC-Network) pour dénoncer plusieurs pratiques trompeuses de grands éditeurs de jeux vidéo dont Activision Blizzard, Electronic Arts, Epic Games, Mojang Studios, Roblox Corporation, Supercell et Ubisoft. Ces derniers commercialisant des jeux particulièrement populaires – Fortnite Eat Sports, Minecraft, Clash of Clans, etc.  – useraient de pratiques commerciales déloyales et clauses abusives pour régir l’usage de monnaie virtuelle dans le cadre de l’utilisation de jeux premium.

Sont visées spécifiquement les clauses prévoyant de renoncer aux droits des consommateur notamment celles permettant aux opérateurs de modifier ou supprimer unilatéralement des fonctionnalités du jeu ainsi que celles limitant les droits statutaires des consommateurs.  La plainte dénonce également des clauses abusives liées à la personnalisation de l’expérience de jeu des consommateurs.

PCS Avocat - Fortnite Epic Games - Droit des jeux vidéo - Epic Games Store

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Publié le : 05/05/2025
Mis à jour le : 29/08/2025

PX Chomiac de Sas