Guide juridique

🕑 8 minutes

Guide juridique – Les droits des joueurs de jeu vidéo

Souvent méconnu, les joueurs de jeu vidéo disposent d’une multitude de droits dans le cadre de leur consommation des jeux vidéo. Spécialisé en droit du numérique, le cabinet s’est appliqué à en proposer une présentation synthétique.

Leur compréhension est aussi profitable aux joueurs pour la défense de leurs intérêts que des studios et éditeurs des jeux qui peuvent mieux appréhender la relation avec leur public cible.

2025.04.25 Guide juridique Les droits des joueurs

Mods, Fangames & créations des joueurs : des droits de propriété intellectuelle

Warcraft III map editor, Gary’s Mod, Minecraft, etc. Autant de jeux marqué par une forte personnalisation des contenus du jeu par les joueurs utilisateurs.

Juridiquement, certaines créations déplacent les lignes en matière de propriété intellectuelle, souvent dévolu exclusivement à l’éditeur du jeu. En effet et sous réserve du respect des conditions prévues par le Code de la propriété intellectuelle, l’originalité de certaines contributions, empreintes de la personnalité de leur auteur, offrirait la protection des œuvres composites.

Des négociations avec les éditeurs pour l’exploitation de ces nouvelles formes devraient intervenir, souvent anticipées à travers les conditions générales offrant à l’éditeur un droit d’exploitation sur l’ensemble des compositions et créations proposées par les joueurs. Certains ont pu aboutir à des collaborations fameuses – le troisième volet de la franchise Portal, « Mel Stories » porté par des fans avec l’accord de l’éditeur – ou des contentieux épiques notamment sur la propriété du jeu Dota et ses formes dérivées dont League of Legend, DotA 2, Heroes of the Storm et tous les autres MOBA.

images

Jouer, glitcher, tricher : Suspensions, ban et exclusion des joueurs

Qu’ils soient historiquement en format papier à l’intérieur des boites ou sous forme numérique lors du téléchargement et installation du jeu ou bien encore à son lancement, l’éditeur encadre l’exploitation du jeu par des conditions générales spécifiquement baptisées « Conditions Licence Utilisateur Final (CLUF) » ou « End User Licence Agreement (EULA) » que le joueur doit obligatoirement valider, et si possible lire.

Ce cadre contractuel définit de manière plus ou moins claire les règles de jeu ainsi que les pratiques prohibées voire sanctionnées : triche, multicompte, farming, achat revente de biens, comportement contraires aux bonnes mœurs, insultes dans le chat, etc.

Une confusion terminologie est entrenue quant au contrôle du comportement des joueurs par les éditeurs, ces derniers se présentant comme des arbitres et juges des pratiques pouvant emporter des amendes, pénalités, avertissements, condamnation, etc.

Ces mesures de police ne reflètent toutefois pas la réalité de la relation entre le joueur et l’éditeur tenu par de simples considérations civiles et contractuelles. Dès lors, l’abus de droit plane sur toute sanction disproportionnée de la part de l’éditeur sur l’utilisation de leur jeu par les joueurs.

Ban, suppression, exclusion - Le pouvoir de sanction des éditeurs de jeux vidéo et Esport - PCS Avocat

Plus d’information sur ces aspects dans notre publication dédiée.

CLUF & clauses abusives. Les joueurs ne sont toutefois pas démunis face à un tel contrôle arbitraire. En tant que consommateurs de produits et services numériques, ils bénéficient de la protection du Code de la consommation et de l’ensemble des mesures rattachées. Les clauses des CLUF permettant à l’éditeur de résilier le contrat sans préavis d’un durée raisonnable peut être abusive. L’imprécision sur les règles du jeu, par exemple quant à la définition de la triche, les sanctions envisageables, l’étendue et durée des sanctions sont passibles de sanctions juridiques contre l’éditeur – des décisions ont déjà pu être rendues en ce sens concernant des plateformes de réseaux sociaux.

Code de la consommation. Plus généralement, à travers les différentes obligations incombant aux éditeurs prestataires de services en matière d’obligation d’information sincère et loyale, les joueurs disposent d’un droit d’utilisation sans interruption, d’un produit conforme aux qualités et attentes habituelles notamment en matière de fonctionnalité, d’accessibilité, continuité et d’assistance.  Il peut ainsi imposer à l’éditeur :

  • Une mise en conformité d’un produit jugé et documenté comme défaillant ou défectueux ;
  • La suppression ou l’inapplication de clauses jugées abusives notamment la suspension ou arrêt de service sans notification préalable ou sans motif explicite ;
  • Divers types de réparation sous la forme de réduction de prix voire de dommages intérêts ;
  • Des sanctions financières pénales notamment en cas de pratiques jugées trompeuses ou illicites ;

Elément très important, le Code de la consommation fait peser une partie importante de la charge de la preuve sur l’éditeur, revenant à ce dernier de justifier de la conformité de ses contenus.

Réseaux sociaux & Médias : streamer son jeu vidéo

Plateforme d’hébergement de contenus audiovisuels diffusés en streaming, Twitch a connu une croissance considérable associée au secteur du Gaming, les streamers diffusant leurs parties de jeu vidéo, commentant ses actions et interagissant avec leur public à travers le chat intégré.

Les efforts de production de certains créateurs de contenus les rend éligibles à une forme de protection par le Code de la propriété intellectuelle en tant qu’œuvre composite, soumise malgré tout à une autorisation préalable de l’éditeur. Afin de favoriser le développement des chaines, plusieurs plateformes dont Youtube Gaming et Twitch ont ainsi négocié des accord avec de nombreux éditeurs pour rendre libre la diffusion de contenus in-game.

En matière esportive, les stratégies de communication des compétitions varient selon les éditeurs, certains contrôlant massivement les droits exclusifs de diffusion rattachées aux compétitions tel Riot Games, tandis que d’autres laissent une liberté de diffusion à l’ensemble des influenceurs et streamers.

Présentation des activités de PCS Avocat, avocat spécialisé en droit des influenceurs et plateformes de streaming tel que Twitch

Compétitions de jeu vidéo : les droits du joueur professionnel esportif

La pratique esportive du jeu vidéo a fait naitre une nouvelle catégorie professionnelle : les joueurs professionnels esportifs. Depuis 2016, leur régime juridique a été très largement inspiré des règles applicables aux sportifs : le joueur esport a un statut de salarié ayant pour activité rémunérée la participation à des compétitions de jeux-vidéo dans un lien de subordination juridique avec une association ou une société bénéficiant d’un agrément du ministre chargé du numérique.

Nonobstant les règles prévues par le législateur dans la Loi pour une République Numérique de 2016, les relations juridiques entre les clubs esportifs et les joueurs peuvent prendre en pratique des formes variées : convention de stageou de bénévolat, contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée, contrat de prestation de service.

Illustration du Guide Esport du cabinet PCS Avocat sur la protection de la santé des joueurs esportifs dans les compétitions de jeu vidéo

Plus d’information sur la protection de la santé des joueurs esportifs

D’autres considérations peuvent également être envisagées :

Vie privée et identité juridique. En tant que personne physique au sens juridique, le joueur esportif professionnel bénéficie de droits associés à sa personne : respect de la vie privée et droit à l’image ainsi que, dans un contexte numérique, le droit sur ses données personnelles. Toute atteinte à l’un de ses droits permettra au joueur de s’opposer à la divulgation liée à sa vie privée à la fois sur le fondement civil (Art. 1240 C. civ) et sur le fondement pénal (art. 226-1 et 226-8 C. pén), nonobstant quelques exceptions légales et jurisprudentielles en lien avec la liberté d’expression et l’information publique.

Avatar du joueur. Il serait dans une moindre mesure envisageable de recherche une protection de l’identité numérique notamment à travers l’avatar du joueur dans le jeu vidéo.  Plusieurs jeux vidéo permettent en effet des outils de création numérique permettant de générer un avatar personnalisé, plus ou moins détaillé selon les possibilités proposées. Les atteintes portées à l’avatar peuvent mettre en cause la réputation et l’investissement personnel du joueur. Ce dernier peut ainsi protéger toute atteinte à ses attributs numériques notamment en cas de vol d’objets virtuel, cyber-viol ou atteinte à la réputation.

Exploitation de l’image. Pour son exploitation, il est possible de distinguer plusieurs types d’images exploitables du joueur esportif : l’image associée, collective ou individuelle géré par son club esport, l’image individuelle exploitée personnellement par le joueur et enfin l’image à l’occasion de compétitions esportives.

On notera enfin les difficultés complémentaires d’user et exploiter leur image compte tenu de la minorité d’une grande partie des intervenants. À l’image des artistes, mannequins ou jeunes sportifs, des règles complémentaires fondées principalement sur l’autorisation parentale auront vocation à s’appliquer.

L’existence de droits associés aux performances réalisées par le joueur au cours des compétition, comme artiste interprète est fréquemment invoqué ou débattu sans pertinence sérieuse.

PCS Avocat Jeux video 3

Propriété du jeu et des achats in-game

Sujet souffrant d’une actualité continue depuis une décénnie, la propriété des biens numériques a touché le secteur vidéoludique avec la dématérialisation progressive des contenus. Après la fin de la vente des supports physiques des jeux vidéo, les droits des joueurs sur les jeux vidéo achetés ainsi que leurs contenus in-game se sont confrontés aux positions jurisprudentielles européennes en la matière.

Le cadre juridique limite fortement aujourd’hui la propriété des joueurs, restreints à une simple licence d’utilisation cessible et révocable à tout moment par les éditeurs. Dans un célèbre contentieux opposant la plateforme Steam à l’Association des consommateurs UFC Que Choisir, la jurisprudence récente, notamment l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 21 octobre 2022, a confirmé que les utilisateurs ne peuvent revendre leurs jeux dématérialisés ou comptes associés en raison de l’absence d’épuisement du droit d’auteur pour les copies numériques, protégeant ainsi les éditeurs contre le marché de l’occasion dématérialisé.

Cette position s’étend également aux contenus in-game (objets virtuels, skins, etc.), les conditions générales des plateforme interdisant tout achat revente de ces biens sauf exceptions rarissimes en matière de NFT ou par l’intermédiaire d’une plateforme d’échanges de biens détenue par l’éditeur du jeu.

Retrouvez notre publication juridique détaillant ces enjeux

Réservé à la réponse D

Écrit par :

Publié le : 25/04/2025
Mis à jour le : 29/08/2025

PX Chomiac de Sas