Uber, Take Eat Easy, AirBnb – Plateformes d’intermédiation – Régime juridique – Droit du travail
La formule du New-York Times était éloquente : « Plutôt que de dire « où travailles-tu ? », il faudra bientôt demander « sur quoi travailles-tu » ?
Internet est aujourd’hui le premier outil professionnel nécessaire au développement d’une activité professionnelle. Accès à l’information, publicité et visibilité, ces dernières années ont mis en avant une utilité nouvelle grâce à l’Internet 3.0 et sa dimension interactive et pluridisciplinaire.
L’Internet collaboratif, les plateformes d’intermédiation et leur avenir juridique
C’est dans ce contexte que sont apparues les plateformes collaboratives. Associées aux moteurs de recherche, réseaux sociaux et hébergeurs/répertoires de contenus audiovisuels dématérialisés, ces sites internet constituent l’essentiel des plateformes digitales actuelles.
Parmi elles, les plateformes dites « d’emploi » facilitent à des travailleurs collaboratifs un accès à des offres et demande de prestations de vente, fourniture ou échange de biens et services.
Les plateformes d’intermédiation en quête d’un régime juridique autonome
L’originalité de leur statut réside dans la complexité et l’ambivalence de leur fonctionnement : à la fois vendeur, promoteur et place de marché, les internautes et utilisateurs de ces plateformes peuvent être salariés ou non, amateurs ou professionnels, personnes physiques ou morales, etc.
La grande diversité des statuts des travailleurs collaboratifs ainsi que des utilisateurs de ces plateformes d’intermédiation participent à leur rapide croissance, accéléré par le big data et l’accessibilité numérique.
L’ergonomie, l’efficacité et la force de pénétration commerciale de ce type de plateformes ont considérablement simplifié la mise en relation des personnes, jouant le rôle central de tiers de confiance notamment dans certains secteurs tel l’hébergement ou la mobilité.
Sociétés de services numériques et sociétés d’intermédiation
Leur impact à l’égard de l’emploi reprend de manière rassurante de nombreuses problématiques déjà existantes dans d’autres formes de relation de travail tel la franchise, le travail temporaire, le portage, etc.
Il convient ainsi d’envisager les secteurs et type d’activité professionnels qui peuvent admettre l’intermédiation de plateformes numérique plutôt qu’encourager une lutte perpétuelle de requalification au cas par cas de l’ensemble de la masse professionnelle utilisant ce type d’activité
Conscient de la difficulté d’intégrer ces plateformes d’intermédiation dans les mécanismes juridiques historiques de l’emploi et du numérique, de nombreux professionnels s’attèlent à la mise en place d’un cadre juridique national et communautaire afin de consolider un troisième statut professionnel à mi-chemin entre l’auto-entrepreneur et le salarié.
AirBnB : une plateforme d’intermédiation distincte
Le 30 avril dernier, à l’occasion de l’affaire AirBnB les conclusions de l’avocat général Maciej Szpunar ont été publié permettant de préciser la position communautaire de la CJUE sur la notion de « service de la société d’information ».
AirBnb, CJUE, 19 décembre 2019, C-390/18, YA et AirbnbIreland UC contre Hôtelière Turenne SAS et Association pour un hébergement et un tourisme professionnel (AHTOP) et Valhotel
La plateforme de location touristique Airbnb ne serait pas soumise à la réglementation française d’agent immobilier, dépendant du régime des sociétés de l’information au sens de la directive européenne.
De fait, si AirBnb fournit des services dépassant la simple fourniture d’une plateforme permettant aux loueurs et aux locataires de prendre contact, ce dernier contrairement à Uber n’opère pas de contrôle des services d’hébergement de courte durée visant notamment les aspects économiques pertinents tel la localisation des lieux d’hébergement et le standard de ceux-ci.
AirBnB : Servide de la société d’information
Une précision est apportée sur la notion de « service de la société d’information », pouvant intégrer des services divers tant que ces derniers sont indissociables « du service fourni par voie électronique, en ce sens que celui-ci ne perd pas son intérêt économique et reste autonome par rapport aux services dont le contenu est matériel ».
Cette décision fait écho aux dernières positions de la CJUE en la matière notamment les arrêts Asociación Profesional Elite Taxi (CJUE, 20 déc. 2017, aff. C‑434/15, point 48) et Uber France (CJUE, 10 avr. 2018, aff. C‑320/16, point 27), dans lesquelles M. Szpunar était également l’avocat général.
Uber, Take Eat Easy: un statut reconsidéré par les juridictions françaises
D’autres plateformes d’intermédiation historiques ont ces derniers mois fait l’objet de requalification de leur relation avec plusieurs prestataires. La Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 10 janvier 2019 a ainsi requalifié le contrat liant la société Uber à un chauffeur en contrat de travail (notre analyse de la décision).
Plusieurs mois avant, la plateforme de livraison à vélo « Take Eat Easy » avait fait l’objet d’une requalification par la Cour de cassation dans un arrêt du 28 novembre 2018. Une grande partie de travailleurs de la plateforme ont oeuvre depuis pour obtenir des indemnités.
Par opposition, les juridictions belges ont rejeté le 16 janvier dernier un statut de transporteur pour la société Uber considérant notamment que cette dernière « ne fournit pas de service de transport ; elle n’est propriétaire d’aucun véhicule ; elle ne détient ni licence de taxi ni licence de LVC« .